-Avant
propos-
« Il
y a un moment dans la vie d’un homme , où l’on éprouve le besoin de faire le
tri dans ses souvenirs. »
Que les
femmes ne m’en tiennent pas rigueur , cette remarque n’a rien de désobligeant à leur égard et elle n’est certes pas réservée
exclusivement à la gent masculine.Cela va sans dire…
Mais je
jubilai à l’idée de commencer l’écriture
d’un livre par ce genre de phrase…
« Il y
a un moment , dans la vie d’un homme »…Ah ,ah , ça claque !
On dirait
le genre de citation que l’on
entend parfois dans les western …Où l’on voit le héro ,charismatique mais vieillissant ,un brin fatigué par
les épreuves de la vie , lever le nez au ciel …
Il prend un léger appui sur sa
winchester ; ôte son Stetson
, s’essuie le front et , dos à ses compagnons il déclame cette phrase absolue et définitive d’une
voix rocailleuse : « Il
y a un moment dans la vie d’un homme… »
Certes , j’aurais pu écrire :
« Il
y a un moment dans la vie d’un homme et aussi dans la vie d’une femme , où l’on
éprouve le besoin de… »
Mais cela
aurait eu moins d’impact...
Avec le
temps , certains souvenirs s’effacent , ou plutôt s’enfouissent si profondément
qu’il est quasiment impossible de les déterrer…
D’autres
se transforment un peu : on les modifie inconsciemment pour les rendre
plus beaux ou plus spectaculaires, c’est selon…
Mais ce n’est
pas très grave…Cette modification à pour but de retranscrire toute l’intensité
de notre ressenti…Cette modification s’avère donc , selon moi , nécessaire…
Pourquoi écrire
ces souvenirs ?
Pour
transmettre un vécu en communiquant des anecdotes , insignifiantes le plus souvent.
Leur côté futile n’est pas à négliger.
Une chose légère
peut en dire long sur la personnalité d’une personne et donner beaucoup à qui
sait écouter.
C’est
souvent dans le détail des petites choses que se cache le merveilleux.
Mais
pourquoi transmettre ces
broutilles me diriez-vous ?Quelle prétention !
Je répondrai
que c’est probablement l’instinct de survie qui fait des siennes.
Que c’est
pour ne pas mourir totalement , pour
continuer à vivre au travers de ceux qui les raconteront un jour peut-être, après nous…
Voici la
première qui me revient en mémoire…
C’est la
plus ancienne que j’ai à ce jour retrouvé.Elle était bien dissimulée dans la « souvenirothèque »
poussiéreuse et chaotique de mon enfance.
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-La pelle et le ruisseau-
D’après les gros albums de photos que ma mère entretient
avec une attention toute particulière , je dois avoir un peu plus d’un an…
Je suis le premier fils d’une famille de quatre enfants…Ma
sœur n’arrivera que quatre ans plus tard , à mes 5 ans…
Je marche à peine…Nous habitons une modeste petite maison en
provence, dans la campagne varoise.
Devant l’entrée , une
terrasse au bout de laquelle
coule un vaste fleuve dans lequel je lance allègrement mes jouets en
plastique pour les voir flotter.
Mon fleuve devait être en réalité une sorte de
point d’eau , un genre de flaque stagnante…
Quoi qu’il en soit , aujourd’hui rien de tout ceci n’existe
plus que dans ce souvenir…
Tout a été rasé ,
goudronné , bouché…
Un magasin Picard « au prix défiant toute
concurrence » trône à la place de mes figuiers de jadis
et fait le bonheur des riverains qui n’ont jamais eu la chance de manger
une figue « pègueuse » sur l’arbre.
(Pégueux : Du provençal , « collant »)
Cette propriété
,mes parents louaient à un certain
« Galateau »…
Il n’évoquaient ce personnage que par ce patronyme…Certainement son nom de famille…
Mon monde d’alors était assez restreint.Il y avait ma maman
, mon papa , ma mémé , mes pépés , mon chat et « Galateau »…
Consonance rigolote…Un peu inquiétante…Mais qui était-il au
juste ?
On habitait dans sa maison ?C’était la notre ou
pas ?
J’avais alors une seule certitude : il n’était jamais
bien loin , car mes parents en parlaient souvent et ce , de façon humoristique…
Je me souviens de ce chemin de terre qui longeait la
maison…De ce ruisseau…
Je cours…Ou plutôt je trottine , je zigzague sur ce sentier cabossé , le pas mal assuré …Le profond et
immense ruisseau est là , il serpente sur ma droite , il m’effraie autant qu’il
me fascine.
Il me fascine à tel point que je
tombe dedans…
Si toute cette petite scène est floue , le souvenir de l’eau glacée lui en revanche , est encore vivace…
Je vais me mettre à pleurer
mais je n’ai pas encore ouvert la bouche que déjà , je suis extirpé des crocs du reptile aquatique.
J’oublie la morsure du froid.
Une gigantesque pelle usée mais puissante vient de me soulever dans les
airs .
Mon sauveur
n’est autre qu’un
vieux monsieur aux cheveux
gris …Il est coiffé d’une casquette …Il me regarde sans rien dire.
Assis sur mon
séant trempé , tout au creux de la
langue d’acier maculée de ciment , je pleure…
Mon premier souvenir s’arrête là…
Je vous avez prévenu , il n’est pas vraiment génial
,hein ?
Quoi que saugrenu.Je l’admets.
Ma mère me dit bien plus tard que la scène fut en réalité
bien moins fantaisiste…
Mon père qui me surveillait de près ce jour-là m’avait rattrapé avant que
je ne plonge la tête sous l’eau…
Chère maman , pardonne-moi !
Je trouve ma version bien mieux !D’autant plus que je
ne l’ai pas inventée , je te jure !Je l’ai vécu !!
Mais où suis-je donc aller chercher tout ça pour embellir à
ce point la futile anecdote…Mon don de « Trouble-vue » y est il pour
quelque chose ?
J’ai dû entendre mes parents plaisanter en racontant
l’incident à leurs amis :
-« T’imagines si tu n’avais pas été là ?Gui-gui
aurait pu se noyer ! »
-« Oh , le vieux Galateau n’est jamais bien loin , il
l’aurait ramassé avec sa pelle !Ah ah ah !!! »
2 comments:
Hahaha !
C'est super ! Bravo !
Vivement la suite !
JL
… "Comme des larmes dans la pluie"… tu a bien raison de laisser une trace qui est malgré toute passionnante et ferais de toi quelque chose d'immortel? on devrais prendre ton exemple…
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