-LE GUINCHE-LUNE-
Pour moi , l’arrivée du printemps,
ça n’est pas le 21 mars…
Mais le 25 , lorsque l’on rajoute une heure de plus à nos montres et qu’il fait nuit de plus en plus tard , jusqu’en été.
Pourquoi ne dérègle-t-on pas notre
montre plus tôt dans l’année ?On cesserait ainsi de se plaindre les après
midi d’hivers :
-« Rhooo , il fait déjà
bientôt nuit et il est à peine 17H !!! »
Pour moi, l’arrivée du printemps
c’est aussi ces petites fleurs blanches , qui viennent s’accrocher aux branches
des cerisiers…De mes cerisiers.
Avant d’être tristement rebaptisée
« l’avenue de baulieu » , le quartier où j’ai grandi et où mes parents vivent encore
aujourd’hui , était nommé : le « lotissement des Cerisiers » …
Mon voisin
, « Simone » ,
immigré italien , maçon de son état,me racontait parfois avec son gros
accent :
-« Tou sais poulquoi il y a
tout ces cérisiers ici ?
-Euh…Non ?Pourquoi
Simone ?
-Et bien c’est parcé que c’est oun
ancienne fausse communé …En constrouisant ma maison , en crésant les fondations
, on a rétrouvé des squélettes et des casques allémands…
La terre est argileuse et
fertile…Voilà poulquoi avant d’être lé pays dé la figue , lé village était
céloui des cérises. »
‘Y’ a dû en avoir beaucoup des
soldats là-dessous , parce que croyez moi , les cerises qui poussent par ici
sont énormes et sucrées , fermes et craquantes , les meilleures qui
soient !
Pas de la petite guigne de
pacotille à la con, à ça non !
Mais des bigarreaux gros comme le poing !…(Le poing d’un
nouveau-né cela va de soit…)
Et je le dis le plus franchement
du monde , sans aucun chauvinisme.
-« Est ce que je peux sortir
de table , maman? »
-« Tu ne veux pas de
désert ?Tu veux aller jouer dehors avant qu’il fasse nuit c’est ça ?
Ne rentre pas trop tard , ‘y’a
école demain… »
Excité comme une puce , je dévalai les marches deux par
deux.Pourquoi étais-je alors aussi heureux ?
L’école n’allait plus tarder à
entonner son chant du cygne.L’été n’était plus très loin , et en grimpant tout en haut de mon
arbre , j’apercevais déjà à l’horizon , les grandes vacances qui se
profilaient.
Je dis « mon » arbre ,
non que je considère qu’il fut mien (les arbres n’appartiennent à personne) ,
mais parce que c’était celui qui me tolérait.
Il était facile à grimper , il ne
m’avait jamais fait basculer par
une venteuse ruade , aucune de ses branches , même les plus fragiles , n’eut
jamais cédé sous mon poids .
Toujours il m’a offert une ramification secourable en cas de danger.
Je n’en suis jamais tombé.
Chaque années donc, mon excitation
grandissait en même temps que mon impétuosité.Je m’aventurais toujours plus
haut , trouvant une nouvelle prise , un nouvel appuis souple et confortable me permettant d’y rester caché des heures durant .
Je contemplai les alentours, tout
en prenant un copieux dessert en cueillant une a une, les gourmandises charnues qu’il m’offrait.
Mon arbre était du genre
farceur.Parfois en retournant l’un de ces fruits gorgé de sucre et de soleil ,
je le découvrais alors tout croqué et picoré.Les cerisiers , c’est bien connu
,réservent toujours aux oiseaux
,les meilleurs morceaux.
Et le mien ne dérogeait pas à la
règle.
Parfois en levant le nez trop haut
, des petits bouts de feuilles sèches me tombaient dans les yeux.
Lorsque des pucerons se mettaient
à grignoter ses feuilles , on attrapait des coccinelles pour qu’elles fassent
le ménage…
Une autre bébête , très
particulière et que je n’ai croisé que dans ses branches, semblait m’y donner
rendez-vous à chaque mois de mai : L’ « Oulema
Melanopou. »Mais on l’appelait simplement « la bestiole ».
Il paraît que c’est un parasite.
Je témoigne ici solennellement
qu’elle ne nous à jamais rien fait .
Elle me laissait manger tranquille
dans mon arbre , et je faisais de même.
Tout là-haut , la tête dans les
nuages , tel un « guinche lune »,seul mon petit nez dépassait de sa
toison verte et touffue , agrémentée de touches rouges sombres ça et là , rouge qui disparaissait au grès
de ma gourmandise.
Entre ciel et terre…Que j’étais
bien !
Je jubilais lorsqu’un adulte
passait au-dessous … J’observais .J’écoutais.Je voyais sans être vu. J’étais
invisible.
De la cerise , je mangeai tout.
Dégageant habilement le noyau avec
la langue et les dents , sans en
détacher la queue…Puis enfin je croquais le noyau , sans (presque) jamais
rompre l’amande lovée à l’intérieur…Toujours avec les dents , j’enlevai la fine
couche amère autour de l’amande , puis la croquais pour en apprécier cette espèce de petit goût anisé.
Pour finir , je mâchouillai la
partie tendre de la queue et crachais le peu du reste sur ma petite sœur qui au
sol , pestait de ne pas pouvoir me rejoindre.
Je crois que ces souvenirs de moi
dans cet arbre, sont parmi les 10
moments les plus heureux de toute
ma vie .
Mais un jour ,on l’a coupé.
À la place ,on y a construit
grosse dalle en béton , sur laquelle je ne manque jamais de cracher à chaque
fois que j’y passe devant .
Cette dalle fut
destinée à y accueillir une moche piscine de taule et de plastique .
C’est mon oncle qui l’a coupé.Enfin , je crois.
Et j’ai laissé faire.
Je pense que je n’étais pas là.
Je ne sais plus.
Je veux oublier
Je n’ai rien dis…
Jusqu’à il y a peu…
Il y a peu , Mamie Dédée a prétendu que l’on avait
pas eu le choix , car il était malade.
C’est la première fois que j’ai
crié sur Mamie Dédée.
Les vrais malades sont pour moi ,
les gens qui coupent des arbres pour y mettre des piscines.
C’est la seule fois que l’on s’est disputé.
Disputé pour un vulgaire arbre.
Je n’ai jamais acheté de cerises .
Lorsque l’on m’en propose une
, je refuse.
Je ne peux manger une cerise que
fraîchement cueillie à même
l’arbre.
Présentées dans un panier , sur
une table , j’ai l’impression qu’elles sont mortes.
Mortes comme cet arbre que l’on a
bêtement coupé.
3 comments:
Comment donner envie de manger des cerises fraîches ? Faites du Bianco !
Mmmmh ! De délicieuses cerises ! J'ai faim, maintenant... Vivement le printemps que l'arbre chez ma mamy en donne !
(Mamy fan de vos Bd, aussi.)
À bientôt ! :-)
Comment donner envie de manger des cerises fraîches ? Faites du Bianco !
Mmmmh ! De délicieuses cerises ! J'ai faim, maintenant... Vivement le printemps que l'arbre chez ma mamy en donne !
(Mamy fan de vos Bd, aussi.)
À bientôt ! :-)
Cet article m'a émue car je me suis retrouvée sous cet arbre, chez moi il n'y a pas de cerisier, mais c'est sous un grand chêne que je trouve mon refuge
Je trouve cela tellement triste qu'on coupe tant d'arbres alors qu'ils sont à mes yeux, les plus belles choses...
Je ne trouve pas mes mots tant ceux-là sont juste et m ont fait voyager l'espace de quelques minutes dans un cerisier au printemps ... merci :)
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